Le concept hébraïque de la guematria
Nous avons vu que les lettres de l'alphabet hébraïque ont une valeur numérique, et de ce fait elles étaient aussi utilisées pour écrire les nombres.
La guematria est un procédé d'exégèse propre au Judaïsme, qui consiste a additionner la valeur numérique des lettres hébraïques de mots ou de phrases de la Bible afin de les interpréter.
Elle apparait dans la littérature hébraïque depuis l'époque du second Temple, et les écrits du talmud en reconnaissent l'intérêt. Elle était cité par Rabbenou Bachya au 13ème siècle parmi les trois procédés permettant d'accéder aux connaissances cachées de la Torah. Le Baal Hatourim l’a beaucoup utilisé dans ses commentaires d’une grande profondeur.
Exemples d'applications de la guematria
Additionnons les valeurs numériques des lettres des mots suivants:
אב (av) père
2+1 = 3
אם (em) mère
40+1 = 41
ילד (yeled) enfant
4+30+10 = 44
Le mot "père" (av) a pour valeur guématrique 3, le mot "mère" (em) 41, et le mot
"enfant" 44, somme de "père" et "mère" (3 +
41)
Le sh'ma Israel et le nom divin
Le "sh'ma Israel" se trouve dans le livre du Deutéronome au chapitre 6.
Texte central de la liturgie judaïque, il est récité lors de chaque office à la synagogue, ainsi que le matin en se levant et le soir avant de se coucher, et ce sont les derniers mots que prononce tout Juif avant de mourir:
Écoute, Israël ! L'Éternel, notre Dieu, l'Éternel est Un.
Sh'ma Israel, Adonai Eloheinou, Adonai ekhad
Deutéronome 6:4
En faisant la somme de la valeur numérique des 4 lettres du tétragramme divin: YH-VH (l'Eternel), 10+5+6+5 nous obtenons le nombre 26.
Ce nombre 26 sera donc considéré comme la valeur numérique ou guématrique du nom de D.ieu.
Cette caractéristique confère à ce nombre une valeur symbolique de première importance que l'on va retrouver régulièrement au cours l'exégèse biblique.
On constate ensuite que l'attribut divin "UN" (unique) a une valeur guématrique de 13, qui est la moitié de 26. De ce fait, on attribuera au nombre 13 une valeur symbolique d'unité ou d'unicité.
Considérons maintenant le mot « amour », qui s’écrit en Hébreu אהבה (ahavah). Sa valeur guématrique est 1+5+2+5= 13
L’amour est un autre attribut fondamental de Dieu, et les deux mot «unique» et «amour» ont la même valeur numérique de 13!
Dans le Nouveau Testament, l’apôtre Jean déclarera plus tard dans une de ses lettres: « Dieu est amour »
Calculons maintenant la valeur guématrique de la somme des mots du "sh'ma Israel":
shema=410 + Israel=541 + YH-VH=26 + Eloheinou=102 + YH-VH=26 + ekhad=13
Le total est de 1118, nombre représentant la valeur guématrique du "sh'ma Israel"
1118 = 43 x 26 ou 86 x 13
Or, ce nombre 1118 n'est pas seulement un multiple de 13 et de 26
- 86 est la valeur guématrique du mot "D.ieu" אלהים (E.lohim) 1+30+5+10+40
- 43 est la valeur guématrique du mot "grand" גדול (gadol) 3+4+6+30
Récitez le "shema" revient à proclamer la grandeur de Dieu!
Ecoutez le "shema Israel"
Remarques concernant le Nom Divin
Transcrit dans la plupart des traductions en Français par "l'Eternel", le Nom divin révélé a Moise est en fait une forme du verbe "être" qui n'est utilisé que pour D.ieu, qui exprime l'immanence et l'immutabilité de la nature divine (j'étais, je suis, je serai)
D.ieu dit à Moïse : Je suis celui qui suis (ehyeh asher ehyeh)
Et il ajouta : c'est ainsi que tu répondras aux Israélites : "Je suis" (ehyeh) m'a envoyé vers vous.
D.ieu dit encore à Moïse : Tu parleras ainsi aux Israélites : l'Éternel (YH-VH), le D.ieu de vos pères, le Dieu d'Abraham, le D.ieu d'Isaac et le D.ieu de Jacob m'a envoyé vers vous.
Considéré comme sacré, les Juifs ne prononcent jamais le Nom de D.ieu, mais le remplace par "Adonai" (Seigneur), "Hashem" (le Nom) ou encore "Elohim" (D.ieu)
Il ne doit pas être transcrit non plus pour un usage profane; un document sur lequel il est inscrit doit être manipulé avec respect et ne jamais être jeté. C'est la raison pour laquelle, lorsqu'il n'est pas destiné a un usage liturgique, on le retranscrit avec un tiret ou un point entre les lettres.
Les Juifs orthodoxes adoptent le même principe avec les traductions, c'est pourquoi vous trouverez également transcrit ainsi: "D.ieu" ou
G.od".
Les patriarches d'Israel
Connaissant maintenant la valeur symbolique du nombre 26, trois personnages clés de la Genèse ont retenu l'attention des exégètes, il s'agit des trois principaux patriarches d'Israel après d'Abraham, par ordre chronologique, avec leur valeur guématrique:
- Issac: יצחק (Ytz'khaq) 10+90+8+100 = 208 soit 8 x 26
- Jacob: יעקב (Yaacov) 10+70+100+2 = 182 soit 7 x 26
- Joseph: יוסף (Yosef) 10+6+60+80 =156 soit 6 x 26
La lignée patriarcale forme ainsi une progression arithmétique décroissante de multiples de 26.
Le point commun entre ces trois patriarches, à la différence d'Abraham et des frères de Joseph, est qu'ils sont nés et ont été ensevelis dans la terre promise de Canaan. Jacob et Joseph moururent en Egypte, mais leurs ossements furent ramenés en Canaan pour y être ensevelis.
Le serviteur d'Abraham
Abram prit sa femme Saraï et son neveu Loth, avec tous les biens qu'ils possédaient et le personnel qu'ils avaient acquis à Haran. Ils sortirent pour se rendre dans le pays de Canaan. Ils arrivèrent donc au pays de Canaan.
Genèse 12:5
Parmi tous les serviteurs d'Abraham, le nom d'un seul est mentionné dans la Genèse, il s'agit d'Eliezer de Damas:
Abram répondit : Seigneur Éternel, que me donneras-tu ? Je m'en vais sans enfants, et l'héritier de ma maison, c'est Éliézer de Damas.
Genèse 15:2
Lors du récit de la bataille des rois, quand Abraham part pour aller délivrer son neveu Loth, le texte mentionne avec précision un nombre de 318
serviteurs:
Dès qu'Abram eut appris que son neveu avait été capturé, il arma 318 de ses plus braves (serviteurs), nés dans sa maison et il poursuivit les rois jusqu'à Dan.
Genèse 14:14
Or, la valeur guématrique d'Eliezer אליעזר est 1+30+10+70+7+200 = 318
La ville sainte
Jérusalem: ירושלים (Yerushalaim) a pour valeur guématrique 10+200+6+300+30+10+40 = 596
De même les mots "lieu saint": מקום קדוש (maqom kadosh) 40+100+10+40+100+4+6+300 = 596
Le Messie, fils de David
On trouve aussi des applications de la guematria dans le Nouveau Testament:
David,דוד qui est le premier roi de la lignée messianique a pour valeur guématrique: 4+6+4 = 14
Dans son Evangile, Matthieu commence son récit par la généalogie de Jésus (Yeshoua) depuis Abraham en passant par le roi David, en prenant soin de préciser les 14 générations successives:
Il y a donc en tout quatorze générations depuis Abraham jusqu'à David, quatorze générations depuis David
jusqu'à la déportation à Babylone, et quatorze générations depuis la déportation à Babylone jusqu'au Christ
(Mashiah)
Matthieu 1:17